Pascale, de la chaîne Odyssée du NatuRéel est venu papoter à la maison autour de la Paillourte et en a tiré une vidéo. J’y parle de la construction mais aussi (surtout ?) du retour d’expérience (si chère à mon cœur) :
Retrouver toutes les étapes du chantiers en détails et toutes les ressources sur la page dédier : https://david.mercereau.info/paillourte/
Transcription
Introduction
Une maison ronde, enveloppante, baignée de soleil, aux murs de terre à l’aspect chaleureux : un vrai cocon naturel, en somme. Vous en rêvez ?
David va nous expliquer les étapes de construction de sa paillourte, les coûts inhérents au projet et les avantages à construire en rond. Sept ans après sa construction, il nous livrera aussi son retour d’expérience.
Le secteur du bâtiment représente 40 % des émissions de CO₂ des pays développés, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets produits. Notre façon de construire et de rénover est clairement un levier pour réduire notre impact environnemental.
Et je vous pose la question : recréer son lien au vivant au travers de son habitat, ne serait-ce pas la plus belle façon d’habiter le monde, finalement ?
Introduction
On a construit une yourte, et je pense que ça a été un peu le point de bascule. Même si je faisais déjà des trucs avant, on va dire que c’est ça qui a lancé le truc un peu plus fort. Et puis après, il y a eu la paillourte.
Je pense qu’on est venu à la yourte parce que j’avais fait pas mal de chantiers participatifs. J’étais sur Lyon pendant tout un temps et il y a beaucoup de maisons en pisé là-bas. Les maisons en pisé, ce sont des maisons en terre uniquement : des murs, comme nous on a ici des murs en pierre, mais là-bas c’est que des murs en terre banchée. On met des planches, on met de la terre, on tasse… et là-bas il y a pas mal de restaurations de maisons en terre.
Je me suis dit que ça allait être un sacrément bon point de départ en tout cas pour amorcer d’autres trucs.
Dans mon petit parcours de chantiers participatifs, quand j’ai commencé à m’intéresser à l’habitat, j’ai visité plein de types de chantiers : paille ou autres, mais pas mal paille. Et ce que je constatais, c’est que souvent, les gens faisaient de grandes baraques en paille, ce qui me semblait un peu un non-sens.
D’autant plus que, écologiquement, ça n’avait pas toujours beaucoup de sens, et en plus je constatais souvent que ces chantiers ne finissaient pas. Je me rappelle notamment d’un gars qui avait fait une baraque de 200 ou 250 m², et ça faisait huit ans qu’il y était. Clairement, il était fatigué. Il n’avait plus envie, ça n’avançait plus, bref, ça avait l’air dur.
Du coup, je m’étais bien dit que ce n’était pas ça que je voulais. J’ai l’impression que ces gens-là, qui partent sur des gros chantiers, à la fin sont tellement rincés que, dans la maison en paille, il n’y a que les murs qui sont écologiquement soutenables. Tout le reste, en fait, ils n’ont pas eu le temps de se poser la question ou ils sont trop fatigués, et du coup ils installent un chauffe-eau de 200 L électrique, etc.
Une fois que c’est là, tu ne te dis plus : « Ah oui, mince, comment je pourrais faire autrement ? » Ils sont fatigués, ils n’ont plus envie… fin de l’histoire.
Du coup, moi j’ai voulu prendre le truc un peu à l’envers : on a fait un petit habitat simple, peu coûteux, facile, rapidement constructible. Donc une yourte : une yourte en toile, en laine de mouton, tout ça. On s’est fait accompagner par La Frênaie, qui est une coopérative dans le Marais poitevin.
On va dans leur atelier : il y a des choses qu’on peut ramener à faire à la maison, et des trucs qu’on peut faire dans leur atelier, parce qu’ils ont plein de gabarits, de trucs chouettes. On a donc fait notre yourte là-bas.
On s’est installés en petit collectif, parce que c’était aussi ça l’idée, indépendamment de nos envies personnelles : ça nous permettait assez rapidement de tester tout ça, d’arriver avec un petit habitat pas trop cher et vite construit. On a mis un mois, un mois et demi, je crois, à construire la yourte.
Ensuite, avant de parler de paille ou de matériaux, j’essaie de tirer vers le moins de mètres carrés possible, d’abord parler de sobriété. Réduire ses besoins : en eau, en énergie, en espace vital, parce que ça a des conséquences sur tout le reste.
Ça a des conséquences sur le moyen de chauffage, sur l’entretien du bâtiment. Le bâtiment, c’est une énorme part de l’impact énergétique. Le logement, c’est un quart du problème à l’échelle individuelle, donc ce n’est pas négligeable.
Dans le logement, il y a la construction, la fin de vie, le chauffage, etc. On peut vivre écologiquement dans une petite maison en parpaing, en laine de verre, en paille, ce que tu veux, qui fait 30 m² ; et on peut vivre très « sale » dans une maison en paille, murs en terre, machin, tout ce que tu veux… Si elle fait 150 m² ou même 100 m², l’impact reste énorme.
Évidemment, ça dépend du nombre d’habitants : si vous êtes huit, ça vaut le coup d’être à 200 m², c’est OK. Mais ce qu’on observe, c’est que les mètres carrés par habitant n’ont pas cessé d’augmenter depuis des lustres. C’est une conséquence négative : on peut isoler les baraques, c’est super, mais tant qu’on augmente le nombre de mètres carrés, la part énergétique par habitant ne fait que croître.
Quelle est la genèse de votre projet de paillourte ?
Je n’étais pas spécialement parti pour faire une paillourte. Rénover, pour moi, c’est tout aussi pertinent écologiquement : il y a déjà de la surface « squattée » par une maison, etc.
Mais quand on est arrivés ici, il y avait un petit bâtiment en pierre : une ancienne maison (ou étable) à cochons, un tout petit habitat. Il ne restait plus que deux murs sur quatre, et même ce peu restait assez abîmé. Il n’y avait plus de toit depuis des années. Il aurait fallu tout mettre par terre et reconstruire. Autant dire que je n’étais pas chaud.
On est arrivés là, et on s’est dit : « Bon, OK, du coup ce n’est pas une rénovation, mais le terrain nous plaît. » C’était une dent creuse, le terrain est assez étroit, donc il fallait faire une petite maison dessus. C’est pour ça qu’il n’était pas si cher. Enfin, pas si cher… tout est relatif par rapport à pas mal d’endroits en France, mais par rapport au coin ici, ce n’était pas si cher.
Nous, on voulait faire une petite maison : nickel, parfait. On a réfléchi à ce qu’on voulait vraiment. Moi je voulais reconstruire en paille parce que je trouve ça trop pertinent, et j’avais fait plein de chantiers autour de ça, en terre aussi.
Un truc qu’on voulait garder, c’était le côté rond et surtout le côté « plein de lumière », la lumière centrale, la lumière zénithale. C’est vraiment un truc qu’on avait kiffé dans les yourtes : tu es baigné dans la lumière.
On l’a fait un peu différemment : on a fait un clocheton pour s’épargner, dans une logique bioclimatique, le soleil d’été quand il est zénithal et cogne trop fort dans la maison. Dans les yourtes, tu te retrouves vite dans une bulle de chaleur.
Donc on a mis un petit toit : on a fait un compromis entre la lumière – parce qu’on a quand même un peu moins de lumière – et la surchauffe. Et la surchauffe n’est vraiment pas à négliger, surtout avec les épisodes caniculaires qu’on commence à avoir.
Pourquoi construire en rond ?
On voulait reconstruire en rond pour plusieurs raisons.
- Facilité et tolérance aux erreurs
En rond, c’est plus facile. Si tu fais des bêtises, ça se voit moins, c’est moins grave et moins impactant pour le bâti. Toute la charge du toit est répartie sur tous les murs, alors que sur un carré, les angles ont beaucoup plus de charge et de contraintes. Tu peux te permettre des petites erreurs sur ton mur et que ta maison tienne debout.
Je pense que si on avait fait les mêmes conneries sur un carré, on aurait eu des problèmes… Là, ça va. - Moins de matériaux, moins d’échanges thermiques
Tu as 11 % de matériaux en moins à surface égale. À 40 m² au sol, tu as 11 % de matériaux en moins sur un rond que sur un carré, parce que le périmètre est différent pour une même surface.
11 % de matériaux en moins, c’est 11 % de coût en moins, mais c’est surtout 11 % de surface en contact avec l’extérieur en moins. Or c’est cette surface en contact avec l’extérieur qui génère le besoin de chauffage, parce que ça génère de la déperdition thermique. Moins tu as de surface en contact avec le dehors, moins tu as besoin de chauffer. - Esthétique et lien au vivant
Il y avait aussi le côté esthétique qui nous plaisait. Si on regarde les habitats primitifs, ou même la nature : terriers, igloos, yourtes, grottes… La plupart des animaux font des formes rondes, c’est plus simple à faire.
Il n’y a que les abeilles qui font une géométrie « compliquée ». Et encore : a priori, elles font d’abord du rond, et c’est parce qu’elles sont toutes côte à côte que ça crée des hexagones.
On a acheté le terrain 65 000 € et la paillourte nous est revenue à 20 000 €. En fait, au bout de 3 ou 4 ans, avec l’économie de loyers, tu revends la yourte ; nous, on a revendu la yourte pour financer la paillourte. Il y a eu un peu de sous à mettre dans le terrain, mais ce n’était pas loin d’une opération blanche. On s’en est plutôt bien sortis.
Quel a été le coût du projet ?
La maison habitable, au début, c’était 15 000 € pour la paillourte seule. Maintenant, avec le terrain, on est chez nous pour moins de 100 000 €. On était deux, donc 50 000 € chacun : tu n’as pas 25 ans d’emprunt à faire.
Moi j’ai toujours travaillé avant, donc j’ai toujours eu des salaires dont je ne faisais pas grand-chose. Mes vacances, c’était du woofing, des chantiers participatifs, etc. J’avais donc des petites économies. Très vite, on a pu autofinancer notre truc, sans emprunt.
Aujourd’hui, on n’a plus trop de sous de côté, c’est sûr, on a tout mis dans la maison. Mais en contrepartie, on a un rythme de vie où je peux prendre une journée pour discuter avec vous, par exemple. Moi je ramène environ 600 € par mois dans le foyer, ma compagne 500 €, et on arrive à vivre à trois (avec notre fille de 8 ans) parce qu’on n’a pas d’emprunt.
Le premier poste de dépense, souvent, c’est l’emprunt ou le loyer : nous, on n’a pas ça. Et on avait aussi la ressource pierre sur site avec la vieille bâtisse à moitié par terre.
Quelles ont été les étapes de construction de la paillourte ?
Fondations
On a fait nos fondations en pierre. On a creusé un fossé et maçonné des pierres. Ce n’est pas juste « jeter des pierres dans un trou » : maçonner des pierres, c’est un boulot en soi, un sacré boulot. On était rincés au bout de la semaine et demie de chantier, au bout de notre vie. On s’est dit qu’on ne finirait jamais, mais on a fini quand même.
Tous les voisins et copains qui sont passés nous ont dit :
« Tes fondations seront encore là quand ta maison ne sera plus là. »
Et en vrai, les fondations, c’est primordial : si tu rates cette étape, ça a des conséquences sur tout le reste. Autant tu peux refaire un bout de toiture, autant refaire un bout de fondation, ce n’est pas facile.
Inspirations et retours d’expérience
Dans mes chantiers précédents, je n’avais pas trop fait de maisons rondes. Ce n’était pas forcément mon « délire » au départ. Je suis donc passé par une étape « retour d’expérience » : aller voir des gens, revoir des gens, chercher de l’expérience concrète.
Je suis allé voir plein de personnes autour de chez nous qui avaient soit une technique que je voulais mettre en œuvre, soit une configuration particulière. Je voulais faire de la paille porteuse, donc je suis allé voir des maisons en paille porteuse, rondes ou carrées, peu importe, mais avec un point commun.
Je trouvais rarement ce type de retour d’expérience sur internet ou dans les livres, donc je suis allé les chercher sur place. C’était super chouette : plein de gens m’ont ouvert leurs portes.
Par exemple, une maison en paille porteuse en Bretagne, ronde, à étage. Et puis Gurun, du côté de la forêt de Brocéliande : mon procédé s’inspire partiellement du sien. On dit souvent qu’il y a plusieurs techniques de mise en œuvre de la paille, mais en réalité, il y en a autant que d’auto-constructeurs.
J’ai pris ma part chez Gurun, ce qui me convenait en termes de besoins, de sécurité, etc.
- Gurun ne faisait pas de fondations à l’époque, maintenant il en fait des petites.
- Moi, je ne me voyais pas ne pas faire de fondation ici, parce qu’on a 8 m d’argile avant d’arriver à la roche. Il y a des choses qui peuvent bouger. Donc pour moi, pas de fondation, ce n’était pas envisageable.
J’ai donc repris une partie de son procédé : du sous-bassement jusqu’à la toiture réciproque, c’est « du Gurun » (les murs, etc.). Mais le toit et les fondations/sous-bassement, c’est plutôt ma sauce.
L’idée, c’est que vous pouvez aller piocher les idées qui vous correspondent, en fonction de votre contexte et des matériaux disponibles.
Sous-bassement et gestion de l’humidité
Sur les fondations, on a un problème de capillarité. La capillarité, c’est le phénomène du sucre qu’on met dans le café : le café remonte dans le sucre. L’eau peut remonter à travers les joints des pierres.
Il me fallait donc un matériau peu capillaire, qui n’amène pas trop d’eau vers la botte de paille. Une maison en paille, c’est :
- un beau chapeau (un bon débord de toit),
- de bonnes bottes (un mur surélevé par rapport au sol).
La paille et l’eau, ce n’est pas génial.
Pour ça, on a utilisé des blocs de pierre ponce. Ça ressemble à des parpaings, mais c’est de la pierre ponce : roche volcanique, avec de l’air emprisonné dedans, donc c’est très léger, partiellement isolant, et non cuit (pressé à froid). L’impact carbone est assez faible. C’est peu capillaire et un peu isolant.
On a posé ces blocs de pierre ponce sur les fondations, ce qui limite la remontée d’eau et évite que la paille soit en contact direct avec le sol.
Par-dessus, on a mis de l’EPDM (la même membrane que pour la toiture végétalisée) pour éviter encore plus les remontées capillaires. Si le mur est mouillé, l’eau ne doit pas pouvoir migrer dans la botte de paille. C’est primordial : l’humidité et la paille, ça ne fait pas bon ménage.
Pour atteindre un niveau d’isolation correct :
- les blocs de pierre ponce ont une certaine épaisseur et un certain R (résistance thermique),
- mais on était loin de l’isolation qu’apporte une botte de paille.
On a donc rajouté un morceau de liège à l’intérieur pour augmenter la résistance thermique et ralentir la fuite du chaud vers l’extérieur.
On a aussi mis une lisse basse, un petit bout de bois qui court tout autour, avec des broches pour brocher le premier rang de bottes, afin de solidariser le mur de paille au sous-bassement.
On est en zone sismique niveau 2 sur 3 ici. Tu es soumis à une norme (déclarative : tu dis « oui, j’ai respecté la norme »). Dans cette norme, il y a notamment deux points :
- Que toutes les parties, de bas en haut, soient liées ensemble (continuité de chaînage).
- Renforcer les angles.
Maison ronde = fin de chantier, tout va bien : il n’y a pas d’angles fragiles. En cas de tremblement de terre, il n’y a pas de points de rupture. C’est naturellement une forme sismique, la maison ronde.
Murs en paille porteuse
Sur ce bloc de pierre ponce, on a monté des bottes de paille en paille porteuse : la botte fait le mur et porte la toiture.
On a pris des bottes assez denses, avec un bon serrage des ficelles. Gurun, lui, reficelle ses bottes pour les densifier. Pour la paille porteuse, la densité et l’humidité sont importantes, donc on testait les bottes :
- Hygromètre à sonde pour mesurer l’humidité,
- Peson pour peser les bottes,
- Avec ces deux infos, on calcule la densité (une botte humide et lourde peut être peu dense si elle est trempée).
On a pris les bottes les plus denses pour les murs, qu’on a montées en quinconce, comme un mur de briques.
On les a brochées et « cousues » entre elles, ficelées avec de la ficelle de botte de paille. C’est ce que Gurun appelle sa méthode : tu prends une botte, tu passes la ficelle autour de la botte d’à côté, tu tires, ça regale la botte (elle reprend une forme arrondie) et tu remets de la tension dans les fibres.
Autour des portes et fenêtres, on a mis de l’ossature bois, parce que ça ne tiendrait pas sur de la paille « molle ».
Pour les murs, on a utilisé des bottes à champ plutôt qu’à plat :
- Botte à plat : posée sur sa grande face (le côté le plus large au sol).
- Botte à champ : posée sur la tranche.
Une botte à champ isole aussi bien qu’une botte à plat, parce que c’est le sens des fibres qui compte. Ça permet de gagner un peu de mètres carrés.
Nous, on a fait une maison de 40 m² parce que c’était satisfaisant pour nous, mais il ne fallait pas dépasser 50 m² au nu extérieur du mur pour ne pas être soumis à la RT 2012 (c’est encore vrai aujourd’hui avec la RE 2020). C’était un petit objectif : éviter les papiers, les études thermiques obligatoires et payantes.
Sous pas mal d’aspects, on est au-delà de la RT/RE en termes d’isolation, etc., mais ça nous a épargné la contrainte administrative.
En haut du mur, on n’a pas mis de lisse haute (anneau de bois qui ceinture le mur) :
- Sur une maison carrée, j’en aurais mis une, pour répartir la descente de charge et reprendre les efforts dans les angles.
- Sur une maison ronde, chaque perche de charpente reporte la charge uniformément sur le mur. Tout le mur reçoit la même charge, donc ce n’était pas indispensable.
C’est aussi du bois en moins (donc de l’argent en moins et un impact carbone réduit).
Charpente réciproque et bois
On a fait le choix d’une charpente réciproque en bois rond :
- Bois local (châtaignier), coupé en taillis à côté.
- Peu de transport, pas de sciage industriel, peu de déchets.
- Pas besoin de sections standard (20×20, etc.) : on garde l’arbre entier.
Le bois rond évite :
- les pertes liées au sciage en scierie,
- la monoculture de Douglas pour faire des maisons « écolos » (qui est une catastrophe dans certaines régions).
On a donc :
- Abattu les petits troncs,
- Écorcé à la plane (travail assez agréable),
- Monté la charpente réciproque en une journée, avec l’aide de Gurun.
Une charpente réciproque en bois rond, ça ne coûte quasiment rien en matériaux, et c’est très économe en énergie grise.
Toiture végétalisée
Sur la charpente, on a mis un voligeage (planches), puis :
- Un pare-vapeur sous l’isolant,
- L’isolant,
- L’EPDM (membrane d’étanchéité),
- Un géotextile,
- De la tuile concassée,
- Un peu de terre,
- Des plantes grasses.
Pourquoi un pare-vapeur ?
Au-dessus, l’EPDM n’est pas perspirant. La vapeur d’eau générée dans la maison (cuisine, habitants…) ne doit pas migrer dans l’isolant et rester coincée sous l’EPDM. On la bloque donc sous l’isolant, côté chaud, avec un pare-vapeur.
L’EPDM :
- Bâche caoutchouc, un peu de pétrole,
- S’étire à 400 %,
- Garanti environ 40 ans en toiture si protégé des UV,
- Très peu d’entretien, surtout avec la végétalisation.
On aurait préféré une toiture avec un autre matériau (terre cuite, etc.), mais le système global (fondations souples, murs de paille, charpente réciproque souple) nous guidait vers une toiture souple qui suit les mouvements éventuels. Une toiture en tuiles sur une charpente réciproque, c’est plus compliqué.
Par-dessus l’EPDM, on a mis :
- Un géotextile tissé issu du recyclage de vêtements (coton, etc.) pour empêcher les racines d’atteindre l’EPDM et créer une cohésion de l’ensemble végétal.
- De la tuile concassée en support drainant. On aurait pu mettre de la pouzzolane (plus légère), mais on avait un stock de tuiles de la ruine sur place.
- La tuile concassée draine, stocke un peu d’eau, la restitue quand c’est plus sec.
- On a à peu près 4 tonnes de tuile et 1 tonne de terre : donc 3–4 cm de tuile et 1 cm de terre. Très peu de terre, parce que la terre mouillée, c’est très lourd.
Les plantes :
- Plantes grasses, plantes de rocaille, qui poussent sur substrat très mince.
- On a semé du trèfle au début pour créer un tissu racinaire, puis on a récupéré des boutures/plantules chez des voisins.
Si c’était à refaire, on mettrait probablement de la pouzzolane pour plus de sécurité en termes de charge, mais ça tient très bien comme ça.
Débord de toit et clocheton
Le débord de toit fait entre 80 cm et 1,20 m. Là, il est environ 14 h, le soleil ne rentre pas par la grande baie au sud. Le débord protège bien les murs.
Le clocheton, lui, est plus compliqué à doter d’un débord important, sinon on perdrait trop de lumière hivernale. On a déjà un petit toit pour limiter la surchauffe d’été. On aurait pu être un peu plus généreux sur le débord, mais c’est un compromis entre :
- lumière d’hiver,
- protection d’été,
- contraintes de construction.
Le sol : hérisson, isolation, dalle en terre
Sous la maison, au milieu des fondations, on a mis du verre cellulaire :
- Habituellement, on fait un hérisson de cailloux pour casser la capillarité et drainer. On met ensuite un isolant (souvent polystyrène), puis une dalle.
- Le hérisson sert aussi de drainage (l’eau circule entre les cailloux).
Le verre cellulaire :
- Est drainant,
- Non capillaire,
- Isolant.
Pour un auto-constructeur, c’est génial :
- Tu balances le verre cellulaire au milieu de la maison avant de couler ta dalle,
- C’est léger, facile à mettre en œuvre,
- Ça fait les trois fonctions d’un coup.
On a ensuite fait une dalle en terre sur toute la maison :
- Mélange terre + sable (béton de terre : la terre remplace le ciment).
- Pas de paille dans la dalle chez nous, parce que nous sommes dans une zone très humide (marais) et il y a un champignon bien connu, la mérule, qui mange la cellulose (contenue dans la paille et le bois).
Si la mérule s’installe dans une maison, il faut la démolir. Donc je ne joue pas avec ça dans la dalle.
Pour la surface de la dalle :
- On a fait des essais : huile de lin, huile dure, etc.
- Ce qui nous convient bien, c’est la tempéra :
- pigments d’argile particuliers,
- œuf,
- huile de lin.
Ça se passe comme une peinture, crée une couche jolie, légèrement étanche, qui se lustre au passage des chaussettes. Aspect un peu marbré, que l’on aime bien, et cela se retouche facilement.
On a complété par :
- De la tomette (terre cuite) côté cuisine, zone très sollicitée (chaises, chutes d’objets, etc.),
- De la terre crue côté salon.
On avait aussi testé des dalles stabilisées à la chaux :
- Plus résistantes, mais en cas de choc important, ça casse net.
- Les retouches sont plus délicates qu’avec une dalle en terre, où tu peux réhumidifier et réparer localement.
Enduits
À l’extérieur :
- Enduit terre-chaux-paille au départ.
- Retour d’expérience : la paille dans les enduits extérieurs, en climat océanique venteux, finit par moisir un peu en surface aux endroits exposés à la pluie battante. Ce n’est pas dramatique (on a 8 cm d’enduit), mais on voit que beaucoup de pros du bâti écologique commencent à arrêter de mettre du végétal dans les enduits extérieurs.
Pour l’extension, on a donc fait :
- Terre + chaux + sable (sans paille) à l’extérieur.
La chaux :
- Fige le mélange,
- Résiste bien à la pluie battante,
- Évite que l’enduit ne finisse « par terre » au bout de quelques années comme dans certains pays où l’on n’a que la terre crue sans liant hydraulique.
À l’intérieur :
- Enduits terre-paille, plus « souples » et perspirants.
On essaie aussi de limiter le sable, parce que :
- Le sable de maçonnerie (rivière, carrière) n’est pas inépuisable,
- Le sable du Sahara ne se maçonne pas.
On utilise la paille comme « charge » dans les murs pour remplacer une partie du sable.
On a beaucoup appris sur la qualité des terres :
- La première terre (pour la paillourte) : très argileuse, blocs très durs après séchage, nécessitant beaucoup de trempage, de tamisage et de correction au sable/paille. J’ai passé à peu près un mois, sur un an et quelques de chantier, à tamiser de la terre…
- Pour l’extension, on a trouvé une terre plus sableuse, déjà plus friable, beaucoup plus agréable à travailler, avec moins de corrections à faire.
Quelle a été ta méthode de construction pour l’extension ?
Pour l’extension, je n’ai pas refait de paille porteuse. J’ai fait une structure poteau-poutre :
- On commence par faire un préau : quatre poteaux et un toit.
- Le toit repose sur les poteaux, pas sur les murs.
- Ensuite, on construit les murs en dessous, en paille (non porteuse, en quinconce, sans ossature bois continue).
Avantages :
- Le toit est déjà contreventé, il tient par lui-même.
- Moins de contraintes sur les murs : la paille n’est plus porteuse, c’est sécurisant.
- On peut diminuer la taille des fondations :
- Fondations en gravier pour les murs,
- Petits plots sous les poteaux.
Je trouve que c’est un très bon compromis entre :
- écologie / impact,
- temps,
- sécurité,
- budget (moins de bois d’ossature qu’une maison paille-ossature bois classique).
Cette extension, c’était le cadeau de Noël de ma fille :
- On a commencé le chantier en mars,
- Fini et emménagé en novembre.
Elle a pu voir sa chambre avancer, participer un peu, voir que c’est long, que c’est du travail. Un jour, elle est arrivée, elle a dit :
« Ah ouais, c’est quand même une petite maison… »
Eh oui, c’est ça.
L’avantage de la paillourte, c’est qu’on peut faire des extensions comme des pétales autour. C’est chouette.
Les contraintes :
- Terrain très étroit, limite de propriété,
- Raccord entre deux toitures,
- Envie de n’avoir que trois murs (le quatrième étant celui de la paillourte) pour limiter le volume de déperdition.
Le plus simple aurait été de faire un couloir et une nouvelle pièce indépendante, mais on aurait alors quatre murs supplémentaires et moins de mutualisation thermique.
Résultat :
- On n’a pas changé le poêle de masse : il était un peu surdimensionné au départ.
- Avant l’extension, on faisait un feu tous les un jour / un jour et demi.
- Maintenant, on fait un feu par jour, ce qui est plus « normal » pour un poêle de masse, et on chauffe 10 m² de plus.
- Il fait environ 1 °C de moins dans la chambre que dans la paillourte, ce qui est très acceptable.
On a aussi réfléchi au côté sociétal :
- Notre fille était très contente d’être dans la mezzanine sous nous, ce n’est pas elle qui réclamait une chambre.
- Aujourd’hui, elle est contente d’avoir sa chambre, et nous, on est contents d’avoir le luxe de pouvoir fermer une porte entre elle et nous.
- Mais si tu raisonnes à l’échelle du monde, combien d’enfants ont une chambre individuelle ? C’est un luxe de riche occidental. Ça pose question :
- Est-ce que c’est un besoin réel ?
- Est-ce que c’est une norme sociale ?
- Quel impact en surfaces construites supplémentaires ?
Une chambre par enfant, c’est vite 40 m² de plus pour trois enfants, plus le salon, etc. Ça fait réfléchir.
Quelle est la réglementation par rapport à la paillourte ?
Sur la RT/RE, tout est accessible :
- Les textes,
- Les méthodes d’étude thermique,
- Les dimensionnements, etc.
Si tu ne le sens pas, tu peux déléguer :
- Il y a des gens dont c’est le métier de faire la partie étude thermique, dimensionnement structurel, etc., et toi tu fais le reste.
Les grandes familles de réglementation :
- Réglementation thermique (RT 2012, maintenant RE 2020),
- Assainissement,
- Sismique (dans les zones concernées),
- PLU (Plan Local d’Urbanisme).
PLU et forme de la maison
Le PLU est accessible : tu peux le lire, c’est marqué ce que tu as le droit de faire ou pas. Le texte peut être un peu indigeste, mais en une journée, tu peux te faire une idée claire.
Dans notre cas :
- On est dans un village un peu excentré,
- Pas de bâtiment historique autour,
- Pas d’Architectes des Bâtiments de France sur le dos,
- Peu de contraintes sur les formes : on ne dit pas « il faut faire des maisons carrées ou rectangulaires ».
La paillourte n’est donc pas problématique sur le plan réglementaire, sauf si tu es très proche d’un clocher ou dans un secteur sauvegardé où les ABF ont leur mot à dire.
Le permis de construire / PLU s’intéresse essentiellement à :
- L’esthétique extérieure,
- La couleur des enduits,
- Le type de couverture (tuile, ardoise, etc.).
Ils ne regardent pas ce que tu mets dans les murs. Je n’ai jamais dit à la mairie que je faisais une maison en paille, notamment parce qu’on n’a pas à leur dire, et qu’ils s’en fichent.
Pour la toiture végétalisée, a priori il existe une sorte de « joker » européen en lien avec la compensation carbone, qui peut permettre de passer au-dessus de certaines règles locales imposant, par exemple, la tuile ou l’ardoise. C’est à vérifier selon les communes, mais il y a un cadre.
Assainissement et phytoépuration
Chez nous, pas de tout-à-l’égout, donc :
- Obligés d’installer un système d’assainissement conforme avant d’emménager sur le terrain, avant même que la maison soit construite.
- On a choisi une phytoépuration.
La phytoépuration :
- Est maintenant normée, avec des systèmes passés en laboratoire (agréments).
- Les SPANC (services publics d’assainissement non collectif) ne peuvent plus les refuser si les conditions techniques sont remplies.
On a fait une autoconstruction accompagnée :
- Un organisme fait l’étude de faisabilité et le dimensionnement,
- Donne les plans,
- L’entreprise qui porte la filière phyto vient contrôler à plusieurs étapes, pour vérifier que c’est conforme à ce qui a été validé en labo,
- Ça permet de réduire le coût (tu fais les travaux), tout en respectant la norme.
Techniquement, c’est assez simple :
- Un tuyau au fond,
- Un lit de cailloux,
- Un lit de sable,
- Des plantes (roseaux) qui assurent l’épuration via leur système racinaire.
Temps de réalisation :
- Une petite phyto 3 EH (3 équivalents habitants) nous a pris 3–4 jours de chantier.
- Le plus long, c’est d’aller chercher les graviers, cailloux, etc. (nous avons des carrières proches, donc ça allait).
Le dimensionnement :
- Au départ, on nous préconisait une 5 EH (5 × 150 L/j/personne).
- Vu notre consommation d’eau réelle et la taille de la maison, l’étude concluait qu’il faudrait arroser les roseaux l’été…
- Nous, si on fait des économies d’eau, ce n’est pas pour arroser la phyto, ça n’a aucun sens.
On s’est donc un peu battus avec le SPANC :
- On a obtenu une dérogation pour installer une plus petite phyto (3 EH) adaptée à nos besoins,
- Tout en restant excédentaire par rapport à notre consommation réelle (on est à 15–20 L d’eau/jour/personne).
Les premières années :
- Les roseaux avaient faim, ils montaient très haut, etc.
- Le technicien d’Aquatiris (ou équivalent) est revenu plusieurs fois, passionné, pour nous conseiller :
- Ajouter du compost de toilettes sèches dans les bassins les premières années pour booster la vie bactérienne et le développement des roseaux.
Que ressors-tu de cette expérience d’auto-construction ?
Le fait d’avoir fait ma maison là, et d’avoir fini par la paillourte (qui est un plus gros chantier qu’une yourte, clairement), ça m’a vraiment sécurisé ma vie.
Je me sens vraiment en sécurité :
- Je me dis que je suis capable de refaire une maison en paille et en terre ailleurs, si un jour il faut partir, si c’est le bazar.
- En termes de sécurité, c’est assez fort de savoir réparer et construire quelque chose.
Ça m’a apporté beaucoup de sécurité intérieure, mais ça a aussi demandé une grosse phase d’insécurité :
- Quand tu construis toi-même, tu doutes en permanence :
- « Est-ce que ça va tenir ? »
- « Est-ce que ça ne va pas me tomber sur la gueule ? »
- J’ai eu une période où je ne dormais pas beaucoup…
Mais aujourd’hui, avec le recul, je sais que :
- C’est faisable,
- C’est à la portée de gens motivés,
- Ça donne une liberté énorme sur la manière de vivre, de travailler, sur le rapport à l’argent et au temps.




