Chantier mur en paille porteuse

C’est le temps de la moisson qui annonce les murs en paille.

Aller hop au champ, chargement, déchargement

Au départ nous devions avoir des bottes d’un champ bio mais celui-ci s’est fait enherbé, ça n’aurait pas fait de la bonne botte de construction.

Nous sommes allés chercher nos bottes qui avaient été bottelées la veille. Nous avions mobilisé un tracteur avec plateau pour transporter les bottes jusque chez nous.

Nous étions 7 et c’était pas de trop. Les petites bottes se chargent à la fourche. Il faut les piquer, lever la fourche avec la botte au dessus de la tête, bras tendu vers le haut, et les déposer sur la remorque du tracteur. J’ai pas pris de photo du chargement mais c’était sport. Voici une vidéo pour vous montrer comment ça se passe en temps normal. Sauf que là, l’agriculteur qui nous a fourni les bottes avait réglé (sur notre demande) sa machine pour faire des bottes de forte densité (nécessaire pour monter des murs en paille porteuse). Du coup les bottes ne faisaient pas ~10Kg comme en temps normal mais plutôt entre ~16 et 20… A bout de bras, quand il faut les monter à 2m50 tout en haut du chargement et au bout de la 370ème botte je peux vous dire qu’on était fatigué :-p A la fin on se mettait 2 par botte, synchronisés de la fourche, c’était plus reposant. On a mis 2h à charger nos 370 bottes de paille à 7.

Le déchargement était tout aussi fatiguant car le soleil commençait à taper fort…

Pour le stockage nous avons utilisé une structure de barnum de 40m² (ça rentrait juste juste) que nous avons bâché avec une bâche agricole. Nous avions préalablement installé un lit de palettes pour que les bottes ne soient pas en contact avec le sol. Pour le stockage il est primordial d’accorder de l’attention à l’étanchéité de l’édifice mais aussi à la ventilation. En effet la condensation qui ruisselle sur les bottes les fait pourrir tout autant que la pluie… Il faut donc veiller à ce que la bâche ne soit pas en contact avec les bottes pour que la condensation puisse ruisseler.

Sélection des bottes pour les murs

Avant de commencer à monter le mur il faut choisir les meilleures bottes. En effet en paille porteuse il nous faut de la bottes très dense pour porter les murs. Les autres bottes seront utilisées pour isoler le toit.

Nous avons utilisé pour le mur uniquement des bottes :

  • de plus de 16kg (entre 16 et 20kg pour nous)
  • de moins de 12% d’humidité (entre 8 et 11% pour nous)

Pour ça nous avions un humidimètre pour foin et paille (merci Jean-Marc pour le prêt) et un peson (merci Pascal pour le prêt)

L’humidité fait varier considérablement le poids d’une botte. Une botte de paille à 14% d’humidité c’est limite, au delà de 18% il ne faut pas la mettre en œuvre (elle finira par pourrir et faire pourrir ses voisines etc… en paille porteuse ça peut être très problématique…)

En paille porteuse il faut que la densité des bottes soit comprise entre 96 et 120Kg / m³ sèche. Pour calculer cette masse volumique voici la formule :

masse de la botte / [ volume de la botte x (1 + % d’humidité / 100 ) ]

Nos bottes font 90*45*35cm, pour une botte de 16Kg à 11% d’humidité j’ai :

16 / 0,14175 x (1 + 11 / 100) ] = 101,69 kg/m³

Voici un petit tableur pour le calcul de la formule.

101 kg/m³ c’est une bonne densité pour nos murs ! et 11% c’est un taux d’humidité acceptable, c’est parti !

Cette formule est extraite du livre « Concevoir des bâtiment en botte de paille ».

Montage des murs

Nous avons mis 5 rangs de bottes pour arriver à la hauteur de mur de ~2m20. Les bottes sont posées sur champ (sur les 35cm).  Sur champ ou à plat c’est le grand débat :

A champ c’est mieux, on a besoin de moins de bottes…

oui MAIS, à plat on peut casser les ficelles et miser sur l’effet contreventant de la paille…

oui MAIS, à champ les murs sont moins épais, on ne perd pas autant de SHON

oui MAIS, à plat c’est bien, on a une meilleure surface d’accroche pour les enduits..

oui MAIS à champ les brins de paille de la botte supérieure pénètre la botte inférieure et il y a moins de risques de ponts thermiques…

oui MAIS à plat le mur est plus épais donc plus d’isolation…

oui MAIS à champ les fibres sont verticales et donc perpendiculaire au sens des transferts de chaleur…

…etc   (source)

De notre côté, les bottes sont toutes cousues et brochées les unes aux autres :

  • Cousues : la première est cousue au pré-cadre de porte, la seconde à la première, etc.
  • Brochées : le premier rang est broché sur la lisse, ensuite (les autres rangs) chaque botte (posée en quinconce) est brochée au deux bottes d’en dessous.

La 1ère broche (celle qui est sur la lisse) est faite en châtaigner (~4 cm de diamètre) qu’on a taillé en pointe à la scie sauteuse avec une équerre de fixation faite en chute de contreplaqué marine issu de la lisse basse.  Cette première broche est vissée au dernier moment sur la lisse à 1/3 du début de la botte (les bottes ayants des longueurs variables) afin qu’au moment de la couture elle puisse « prendre une courbe » avec la tension de la ficelle dans les 2/3 restants… Des petits cache-vis en plastique on été utilisés afin d’éviter tout contact entre la vis et la paille (par rapport au point de rosée).

Les autres broches sont en bambou (c’est solide, ça se trouve partout, c’est gratuit et c’est bien droit…) Les bambous font environ ~3 à 5 cm de diamètre, ~85cm de longueur (hauteur de 2 bottes de 45 sur champ). Ils sont biseautés pour une meilleure pénétration dans la paille et on a essayé de faire la découpe à l’extrémité frappée près d’un nœud, pour une meilleure résistance quand on va le faire rentrer à la massette. Les bambous n’ont pas besoin d’être complètement secs pour être mis en œuvre dans la paille visiblement (source).

Il y a aussi des broches en châtaigner à l’horizontal au niveau des pré-cadres aux rangs 2, 3 & 4.

Les bottes sont cousues avec de la ficelle de big ball. On attache la ficelle sur la précédente botte (ou sur le pré-cadre de porte), on fait une boucle, et avec la seconde ficelle, on vient serrer. Dans la théorie, je devais faire le nœud à l’intérieur de la maison pour maximiser la tension et faire prendre la courbe. Dans la pratique, mes bottes avait déjà un galbe suffisant par rapport à la courbure du mur (je ne sais pas si ce galbe était dû aux manipulations / à la forte densité des bottes en sortie de machine). Quoi qu’il en soit, on a même fini par faire le nœud à l’extérieur du mur pour ne pas trop accentuer le galbe. Une entaille est faite dans le pré-cade de porte pour accueillir les ficelles, c’est purement esthétique, ça permettra de les cacher avec un habillage par exemple…

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Les broches à l’horizontale, dans les pré-cadres ne sont pas simple à mettre en œuvre, vue qu’on est pas dans le même sens que la fibre, il faut pré-percer avec une tige en fer ou autre… et encore ça reste pas compliqué.

Il ne faut pas chercher à trop rentrer les bottes en force sinon ça déforme le mur et ça met le bazar. Une fois qu’il est en tension excessive si on tente de le reformer, ce qu’on pousse à gauche on le récupère à droite et on s’en sort pas…

Il faut être très vigilant à l’aplomb du mur dès le début. Nous on en a un petit bout qui ne l’ai pas vraiment mais c’est pas dramatique structurellement sur du rond.

Nos pré-cadres de porte étant de biais à l’inverse de la courbe du rond pour faire entrer la lumière, on a une boursouflure/bosse avec la 1ère botte de paille autour de celui-ci, c’est pas dramatique mais c’était pas simple de faire mieux.

Si c’était à refaire, je ne ferais pas le chantier mise en œuvre de la paille le lendemain d’avoir tout chargé/déchargé, même si on diminue les risques climatiques… c’était épuisant :-p

Temps passé : 3.5 jour-homme de transport de botte + 15 jour-homme de montage de mur

Merci à Sergio, Alice, Toto, Aurélie, Julie, Martin, Jean-Yves, Brigitte, Françoise, Jean-Michel, Charlène, Nico, Juliette, David, Antoine, Hugues pour votre participation à cette belle étape.

 

7 réflexions au sujet de « Chantier mur en paille porteuse »

  1. Bonjour,  j’aurai posé les bottes à plat et non sur champ pour plus de stabilité, par ailleurs pour l’augmentation de l’humidité à l’intérieur des bottes après la pose de l’enduit cela me parait normal vu l’apport d’eau lors de la pose de celui ci . Cette humidité va se stabiliser surtout en été, l’hiver n’est guère propice pour cela. De plus je pense que cela dépend aussi de la nature de cet enduit.

     

    En tout cas bon travail.

     

    JP

  2. Bonjour David,
    Je fréquente beaucoup ton site qui est un vrai guide dans ma construction.
    Je reviens sur l’insoluble question du champ ou à plat.
    Ma paillourte étant de 6 m de diamètre cela me fait considérer d’autant plus l’épaisseur des mur.
    À champ ce qui me pose encore question est la durabilité dans le temps long des ficelles qui tiennent chaque botte. Si j’ai bien compris elles sont garantes de la tenue de l’anneau de paille ? Ta couture en ficelle plus grosse est rassurante, ajouté à cela que penses tu de l’option de ceinturer l’extérieur par un grillage souple soudé carré (type : http://www.cloturegpinc.com/grillage-maille-5×5/) solidement amarré aux pré-cadres pour palier à la dégradation éventuelle des ficelles ? Cela aurait de surcroît l’avantage de bloquer de velléitaires rongeurs.

    Merci pour ton travail.

    Pierre

  3. Bonjour Pierre,

    Pour moi les ficelles, à l’instar des bambous ça n’a pas d’utilité structurelle. C’est pratique pour la construction mais ensuite quand l’enduit est mis par dessus, que le toit est en charge ça n’a plus d’utilité structurelle (je me trompe peut-être mais c’est ce qui se dit sur les bambous en paille porteuse)
    Pour le grillage perso j’aurai peur de créer un point de rosé/condensation en apportant du métal dans la paille. A la limite en plastique ou autre mais je suis pas sûr que ça tienne mieux qu’une ficelle de botte (c’est solide ces trucs là) si tant es que ce soit utile qu’elle le soit… Le grillage ça va t’apporter de la structure pour ton enduit mais sur la botte et si tu fais bien ton enduit tu n’en as pas besoin (sauf au chevauchement des matériaux)

    Pour les bottes, si c’était à refaire, vu la déformation que le mur à subit à la monter en charge du toit, j’aurai posé à plat, ça m’aurait sécurisé (lis ceci :https://david.mercereau.info/retour-dexperience-a-chaud-sur-lauto-construction/ ) et c’est pas la surface que ça fait gratter… Mais bon ça fait quelques années que ça tien donc c’est que ça peut tenir… Apporte beaucoup de soin au montage de ton mur, qu’il soit droit (pas simple du tout) ne met pas de tension entre les bottes quand tu les poses, sinon elles cherchent à « sortir du rond »…

    Bon chantier et je t’encourage à partager ton expérience !!!

    David

  4. Rebonjour David,

    Merci pour ta réponse et tes conseils. Je comprends que tu as eu pas mal de difficulté sur tes bottes à champs pour dresser le mur droit et je pense que je vais suivre ton conseil et passer à plat, en 6 rangés j’atteins une hauteur sol haut de botte de 225 cm (6x35cm + 15cm de sous bassement + lisse) . 7 rangés ferait 260 cm ce qui me semble plus confort pour faire une mezzanine mais je crains que je ne retombe des difficulté de stabilité pour monter mon mur… à tu un avis sur 7 rangé. 220 cm est suffisant dans ton cas pour la mezzanine ?

    Je vois que tu sollicites souvent pour partager nos expérience. Je prends des photos de l’avancement du chantier pour un jour le mettre sous forme de blog.

    1. Cool si tu partage ! (Oui j’encourage parce je reçoit beaucoup de message de reconnaissance sur mes partages mais je me sens un peu seul sur les retour l’autoconstruction…)

      Pour la hauteur il te faut aussi considérer la descente de charge du toit dans les bottes : https://david.mercereau.info/descente-de-charge-du-toit/ qui sera peut être moindre à plat mais qui sera…

      Après nous ça doitfaire 230-240 je crois et c’est cool pour une meza, ça pourrait être un peu moins a mon avis ( un lit c’est juste là pour être allongé de mon point de vue…)
      Après 220 ça te fera une contrainte (la hauteur) et ça te rendra créatif pour y faire un truc chouette avec…
      David

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